L’enfant

Jon Fosse est un romancier norvégien né en 1959 qui a commencé à écrire pour le théâtre dans les années 90. Bâties sur une intrigue épurée, ses vingt-huit pièces font appel à un style minimaliste qui oscille entre réalisme et onirisme.

L’Enfant est sa quatrième pièce, écrite en 1995.

Pratiquement inconnue en France, elle s’ouvre sur la rencontre de deux jeunes paumés devant une église un soir de pluie. Plus tard ils s’installent ensemble dans un appartement et la femme est enceinte. Mais avant son terme, la grossesse se complique et nous les retrouvons aux urgences. Au bout d’une longue nuit, une petite fille va naître et mourir au même moment. La pièce s’achève à la sortie de l’église du premier tableau. L’homme promet de vivre désormais une vie enrichie de la présence de cette enfant qu’il va désormais porter en lu.

Auteur Jon Fosse
Traduction Terje Sinding
L’Arche est agent et éditeur de la pièce.

Mise en scène Anne Coutureau

Avec
en cours

Production Théâtre vivant

Images CLL

L’Enfant interroge le sens d’une vie qui ne dure qu’une seconde, la nature d’un être en gestation, le miracle de l’amour et les fils qui nous relient les uns aux autres. Mais si Fosse confronte l’homme aux grandes énigmes de l’existence, il ne délivre pas de message.

Bien que la pièce suive une ligne d’actions, nous n’avons pas affaire à une dramaturgie classique : le conflit n’est pas explicite et n’appelle pas de résolution, rien n’est précisément déterminé du lieu, de l’époque ni même de l’identité des personnages.
L’auteur semble dire : a-t-on besoin d’actions pour se révéler ? Ne suffit-il pas d’être en vie pour qu’il y ait conflit ? Fosse propose ainsi ce que je ressens comme une « dramaturgie existentielle ».

L’Enfant est loin d’être une pièce sombre. Selon moi, c’est la pièce la plus lumineuse de Fosse ; il s’en dégage une douceur irradiante malgré son caractère tragique. Il y a plus que l’histoire semble dire Fosse qui parle en poète et aimerait dévoiler les choses cachées.

Au cœur de la sensibilité de Fosse se trouve le silence.
Les personnages parlent peu. Cette économie ne traduit ni incommunicabilité ni incapacité culturelle ou psychologique à s’exprimer. Plutôt une méfiance instinctive pour les mots : celle de l’auteur. La parole étoufferait la vérité tandis que le silence permettrait d’ouvrir un chemin vers un savoir intime.
«Oui ce qu’il y a de plus important on n’arrive pas / à le dire» entend-on dans l’Enfant.

Mais si le silence offre plus de sens que les mots, offre-t-il tous les sens ? Et serait-il l’écho de l’absurdité de la vie ? Fosse confie que, par la « grâce » de l’écriture, il a pris conscience d’être « livré à l’Autre ». Son minimalisme radical invite en effet à sentir que le vide ouvre sur une présence. Cette intuition se diffuse dans toute la pièce. Mais l’Autre a de multiples visages : ombre menaçante de l’ancien compagnon d’infortune du couple resté à la rue et dont ils se croient observés ; enfant présent dans le ventre de sa mère mais caché aux regards, et Autre sans visage, dissimulé, absent, ressenti, désiré, Autre omniprésent et insaisissable.

De manière ultra sensible et sans préjugés, Jon Fosse ose partager un mystère presque tabou : cet être qui n’est pas né et qui n’est pas mort, existe puisque nous sommes en lien avec lui. S’ouvrir à ressentir la nature de ce lien est une invitation métaphysique d’une liberté qui me sidère et me bouleverse à la fois et qui fait, de l’Enfant, une œuvre incomparable et éminemment théâtrale.