L’école des femmes
Les tourments d’un homme vieillissant et solitaire amoureux d’une petite fille.
Une farce tragique.
« Comme un morceau de cire entre mes mains elle est
Et je puis lui donner la forme qui me plaît. »
Arnolphe, bourgeois de province célibataire malgré un âge avancé, est obsédé par l’infidélité des femmes et ne conçoit pas de malheur plus grand que d’être cocu. Il affiche un mépris absolu pour les maris trompés et s’en moque publiquement.
Afin de s’épargner une si humiliante expérience, il s’est concocté un mariage sur mesure. Il a acheté une enfant pauvre alors qu’elle était âgée de quatre ans, l’a enfermée pour la préserver du monde et fait élevée de manière à « la rendre idiote autant qu’il se pourrait » c’est-à-dire à la maintenir dans un état d’enfance, espérant ainsi que l’innocence de la petite lui épargnerait les agissements outrageants des femmes perverties.
Le jour est venu de l’épouser. Toute la pièce n’est que le mécanisme lent et sûr de déconstruction de son projet qui, par un effet de rééquilibrage admirable et nécessaire, dissipant leur aliénation, rendra les personnages à eux-mêmes.
Horace, un blondin au goût prononcé pour le libertinage, vaniteux jusqu’à l’écoeurement, passant par là et, s’étant fixé de conquérir Agnès, sera l’agent essentiel de cette ruine.
Par un procédé dramaturgique aussi archaïque qu’efficace, sans savoir qui est Arnolphe pour Agnès, ce jeune écervelé viendra lui restituer étape par étape, les progrès de sa chasse, sans que celui-ci puisse toutefois éviter le scénario en marche d’aboutir, le mettant à la torture, pour notre plus grand plaisir.
Chrysalde, un ami fidèle, moqué par Arnolphe car ayant vraisemblablement eu à souffrir de l’infidélité de son épouse, profitera d’une faille dans l’assurance de son ami pour mettre en place une vengeance des plus froides qui précipitera sa chute.
Oronte, le père d’Horace, entrainant à sa suite toute l’Amérique, interviendra au moment ultime pour rétablir un certain ordre tel un « Pater ex machina ».
Agnès, enfin, cette jeune innocente si célèbre, par son innocence même, s’oppose au dessein de celui qui l’a élevée et qu’elle considère comme son père.
Sa naïveté l’a si bien tenue éloignée de la corruption morale qu’elle a pour elle, l’assurance de sa propre vérité. Sur le terrain où on la relègue, elle enracine une sagesse singulière. Pleine et entière. Et fait éclore une personnalité extraordinaire. Les deux hommes qui la convoitent comme objet, ne pourront y tenir et finiront par la voir en vérité.
C’est là que la tragédie commence. Et elle commence en même temps que la farce.
En se faisant une femme « au gré de son souhait » Arnolphe croyait avoir tout prévu mais au moment où elle lui échappe, il découvre qu’il l’aime. Et il le découvre par la souffrance ; ses sentiments sont d’une puissance extrême. « Et je sens là-dedans qu’il faudra que j’en crève si, de mon triste sort, la disgrâce s’achève ! »
Il va désirer, naturellement, s’en faire aimer.
Mais on ne force pas les cœurs.
C’est bien là, la leçon de cette Ecole des femmes.
Si la condition féminine en France au XVIIème siècle — et dans de si nombreuses régions aujourd’hui, témoigne du pouvoir absolu de l’homme sur la femme, on voit bien que ce pouvoir est une marque d’absolue faiblesse et la déclaration d’une défaite annoncée.
On ne force pas les cœurs. Ce que les hommes voudraient obtenir par la force, c’est par la force qu’ils le perdent.
Molière n’est pas un homme du vingt et unième siècle. Il ne se préoccupe pas de savoir si après la pièce, Agnès sera traumatisée par l’éducation insensée qu’elle a subie depuis sa petite enfance ni par l’abus sentimental de celui qui tient auprès d’elle, la figure paternelle. En peignant le tableau d’un homme autoritaire qui exploite une doctrine religieuse pour servir ses intérêts propres et utilise la terreur contre sa femme, il ne veut pas non plus parler des talibans ou de Boko Haram.
Et pourtant tout est là (jusqu’à « la barbe » !) et pourtant, il fait entrevoir des gouffres. Nos gouffres.
Il ne s’agit pas de proposer une lecture politique ou psychanalytique de la pièce mais de faire entendre, grâce à la fable bourgeoise, française et dix-septième, comme les nœuds qui agitent l’esprit humain sont vertigineux (et sans doute universels) et de rappeler qu’il est inefficace de se contenter de rejeter ce qui dérange en le condamnant moralement. Il faut pouvoir comprendre. Essayer. Se reconnaître. Et avancer.
Et c’est le miracle de Molière, le miracle du théâtre.
Cet homme âgé qu’il nous donne à voir, face à l’enfance, obsédé par la pureté, est tour à tour touchant et insupportable, violent et tendre, perdu et implacablement lucide, brutal et libéral, ridicule, fragile, passionné, insensé, prêt à tout.
On le déteste, on le plaint, on le comprend.
On s’interroge « jusqu’où la passion peut-elle faire aller » ?
Jusqu’où irions-nous nous-mêmes ?
La tragédie d’Arnolphe se noue sous les rires des spectateurs et Molière fait montre là d’une cruauté profonde et d’un génie sidérant. Il réussit le prodige de mélanger les genres sans rien perdre de la vérité humaine au point de livrer une pièce fascinante par sa faculté de remporter l’adhésion. Le quiproquo archaïque se mêle à la finesse de l’analyse, le jeu de mot, au lyrisme le plus déchirant et nous sommes hilares, glacés, bouleversés, amusés, troublés par l’expression finalement si juste de la merveilleuse complexité des souffrances humaines.
La pièce est créée en 1662. Elle remporte un vif succès accompagné aussitôt d’une volée de critiques très violentes. Molière avait de nombreux ennemis, à l’affût de la moindre faille.
Avec L’Ecole des femmes, il mêle la grande comédie en vers à la farce, ce qui sera l’occasion d’en dénoncer l’irrégularité.
De plus, toutes les allusions sexuelles permettront de déprécier la pièce entière avec les arguments imprenables de la bienséance. On parlera de grossièretés, d’obscénités. La scène du ruban appelée « la scène du « le… », devient une preuve absolue du dérèglement de son auteur. (Une des scènes les plus connues aujourd’hui et …des plus réussies)
Cette querelle sera largement nourrie par Molière lui-même car sa vie privée scandalisait bon nombre « d’honnêtes gens ». Au moment où la pièce est créée, il vient d’épouser Armande Béjart de vingt ans sa cadette, fille (ou sœur) de Madeleine Béjart qui fût longtemps la maîtresse de Molière.
On peut s’interroger sur l’opportunité d’écrire dans ce contexte, une pièce sur un homme qui veut épouser sa fille adoptive. Aveuglement ? Provocation ? Processus naturel d’un auteur qui met sa vie sur scène et s’observe lui-même ?
Quoiqu’il en soit, en ce dix-septième siècle, cette cabale prend très rapidement la forme d’une guerre que les historiens nomment La Querelle de l’Ecole des femmes qui durera plusieurs mois, donnant naissance à quelques piécettes ; certaines seront représentées. Molière lui-même répondra aux attaques en les mettant en scène dans La Critique de L’Ecole des femmes, courte pièce aux allures de dissertation esthétique dont, loin de la polémique contextuelle, je retiens le manifeste artistique suivant :
« Lorsque vous peignez les hommes, il faut peindre d’après nature.
On veut que ces portraits ressemblent;
et vous n’avez rien fait si vous n’y faites reconnaître les gens de votre siècle. »
En montant L’Ecole des femmes, je n’ai pas d’autre projet.
Anne Coutureau
Mise en scène Anne Coutureau
Costumes Philippe Varache
Avec
Patricia Bourrillon (Georgette)
Clara Foubert (Agnès)
Pascal Guignard Cordelier (Horace)
Jean-Luc Jeener (Arnolphe)
Yves Jouffroy (Oronte)
David Mallet (Alain)
Jean Tom (Chryslade)
Théâtre du Nord-Ouest
13, rue du faubourg Montmartre Paris 9ème
01 47 70 32 75
métro Grands Boulevards
theatredunordouest.com
Production
Théâtre vivant
Compagnie de l’Elan
En partenariat avec
la Compagnie Tabarmukk pour les costumes
Le spectacle L’Ecole des femmes sera disponible en tournée à partir de juillet 2015.
Contact compagnie
Camille Trastour : 01 42 53 01 25
administration@theatrevivant.fr
Téléchargements
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Vendredi 27 février 20h45
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samedi 18 avril 20h45
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A Versailles
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samedi 14 novembre 17h15
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Décembre 2015
dernière représentation
samedi 5 décembre 20h45
Théâtre du Nord-Ouest
13, rue du faubourg Montmartre Paris 9ème
theatredunordouest.com
Réservations
01 47 70 32 75
Billetréduc.com
Prix des places
plein tarif : 23€
tarif réduit : 13€
Durée du spectacle
2 h sans entracte
Accès
Métro – Bourse (3) – Le Peletier (7) – Grands Boulevards (8,9)
Bus Grands Boulevards (20,39,48,67)
Parking – Parc de la Bourse – Parc Chauchat-Drouot