Stage Prévert

Prévert

PAROLES de jacques prévert

une parole, une pensée, une situation

stage professionnel pour actrices et acteurs
dirigé par Philippe Ferran

 

« Paroles » de Prévert
« Paroles » est un recueil de textes écrits souvent par Prévert bien avant la guerre mais réunis à partir de 1946 sous ce titre.
Quatre vingt quinze textes, non ponctués, et de longueurs très variées : deux lignes pour « Les paris stupides »ou 35 pages pour « La crosse en l’air ». La forme également est très variée avec des textes en prose (« Souvenir de famille »), des saynètes dialoguées en vers libres (« L’Orgue de barbarie ») et un emploi plus traditionnel du vers libre aux rimes irrégulières (« Barbara »… »Je suis comme je suis »…) qui ont vite été propices à une mise en musique par Joseph Kosma.

Les aspects dominants de l’art de Prévert sont la spontanéité et l’oralité nourris des influences surréalistes faites d’expressivité nouvelle et de provocation fondée sur des procédés d’accumulations, anaphores, coq à l’âne (propres au « cadavres exquis » des surréalistes ), ainsi que de procédés d’une poésie plus traditionnelle faite d’allitération, de rimes riches et de recherche du mot phare.

Mais « Paroles » est aussi l’oeuvre du dramaturge et du dialoguiste de film que Prévert était déjà bien avant la parution du recueil. Il témoigne d’un sens inné des situations et des progressions dramatiques. Prévert joue avec le lecteur comme avec un spectateur de théâtre et certains poèmes (« Rue de Seine », « La grasse matinée », « Barbara »), grâce à la précision et l’efficacité du dialogue, entraîne le spectateur dans une inextricable émotion.
Le succès de « Paroles » fut immédiat et révéla le vide qu’il semblait combler : une première édition de 5.000 exemplaires fut lancée une semaine après la parution. Son succès ensuite ne s’est jamais démenti et sa diffusion en collection de poche dans les années 70 atteignit même le chiffre record de 2,5 millions d’exemplaires.

Prévert passa donc avec « Paroles » du dialogue de film à la chanson et il me semble caractéristique qu’avec lui la poésie se soit engagée dans une voie populaire où la musique accouche de mots et où les mots osent enfin révéler leur musique. Car pour moi, sans conteste, l’expression forte de l’après guerre en France et qui a influencé tout ce qui est venu après, c’est avant tout Céline (au-delà bien sûr de la chanson) et aussi Trenet, Brassens… et Prévert.

 

Pourquoi pas d’autres?…. 

Qui de Trenet, Brassens, Céline ou Prévert est le plus grand phraseur, le plus grand poète,  le plus nécessaire à nos panthéons intimes ? On se gardera bien de répondre tant le choix semble disparate et les qualités de chacun sur des plans différents.
Et pourtant, tous quatre ont été le souffle irrésistible de l’après guerre, le décorcetage de la langue, une parole enfin immédiate, une chanson directement accessible adressée intimement et fortement à chacun d’entre nous. Tous, sous l’apparence d’une écriture spontanée et presque automatique distillent une parole directe, incisive et pourtant ciselée à l’extrême.
On aurait pu imaginer du reste un stage, à partir des chansons de Brassens ou de Trenet  mais les musiques de leurs chansons ont tellement imprégné les textes proprement dits, que s’en extraire aurait été déjà un stage à lui tout seul.
Prévert est, me semble-t-il plus directement utilisable à une adaptation dramatique : il est lui-même dramaturge (un de ses recueils ne s’intitule-t-il pas « Théâtre « ?), et un des plus illustres dialoguistes de cinéma. Les poèmes de « Paroles » recèlent d’arrière plans révélateurs, de situations inavouées, de confidences qu’on sussure à l’oreille et au coeur. Tout, dans « Paroles » ouvre l’imaginaire et force à inventer des situations, des intimités, des nécessités à proférer et à vivre les mots de l’auteur.

 

Pourquoi « Paroles » ?

Je me suis longtemps méfié du phénomène Prévert. Dans les années 60/70, quand j’ai commencé à faire du théâtre, Prévert restait l’absolu symbole de la modernité, du culot, du socialisme, du combat pour la liberté, de la subversion et de la nouvelle poésie.
Monter du Prévert était à la fois audacieux et original, et la suprême originalité étant déjà de faire comme tout me monde, tout metteur en scène digne de ce nom avait inévitablement un spectacle-Prévert dans ses tiroirs.
Les spectacles-Prévert que j’ai vus à l’époque ne m’auront pas laissé un souvenir impérissable et le résultat n’était guère convaincant : mettre en scène un spectacle poétique consistait à l’époque à démontrer d’abord la sensibilité de l’auteur, et les acteurs semblaient n’être mus que par deux intentions : « Regardez comme ce que je suis en train de dire est beau, et intelligent ».
Malgré mon attirance ancestrale pour Prévert, j’ai longtemps jugé que son succès était pour beaucoup un phénomène de mode qui passerait et que les valeurs théâtrales de sa poésie avait, pour l’instant, du mal à se concrétiser dans une réalité, sans  sombrer dans un discours idéalisant.
Et puis la mode a passé et on n’a plus songé à monter Prévert, si bien que quand,  au cours de différents stages, certains comédiens ont émis le souhait de travailler « Barbara », « Le cancre » ou »La grasse matinée », j’ai eu d’abord la sensation d’avoir affaire à un écrivain dépassé, poussiéreux, que j’avais trop aimé pour qu’il en restât quelque chose et c’est presqu’avec condescendance que je retrouvais sa « parole », défendue par l’enthousiasme de nouvelles générations d’acteurs.

Je dus me rendre à l’évidence, Prévert avait résisté au temps, et de belle manière !
Débarrassé enfin d’un discours militant, vertueux, restes ressassés d’une époque dépassée, sa parole éclatait nue, juste et sensible, sa formule faisait mouche, sa confidence touchait. Prévert avait sans doute utilisé les techniques surréalistes et rejoignait maintenant les plus grands poètes : sa pensée dense cristallisait en quelques mots un sentiment, une réflexion et recelait une vie complexe, faite de situations fortes et d’émotions paradoxales.
J’ai donc appris à redécouvrir Prévert au cours de plusieurs stages dont un en particulier faisait la part belle au cinéma à travers le Prévert dialoguiste, mais le thème du stage était d’avantage la complémentarité du jeu-théâtre et du jeu-cinéma qu’une mise en scène proprement dite de son oeuvre.

L’année dernière, et pour la première fois, j’ai animé un stage A.F.D.A.S de training, à raison d’une fois par semaine et pendant cinq mois. Alors qu’il n’était pas directement au programme plusieurs comédiennes et comédiens ont spontanément désiré travailler le Prévert de « Paroles », et cette expérience m’a semblé particulièrement fructueuse.

 

Comment, « Paroles » ?

Depuis que je fais du théâtre et depuis que j’anime des stages A.F.D.A.S, j’ai tenté, en tant que metteur en scène, de comprendre comment on pouvait diriger un acteur pour l’aider à accoucher d’un rôle, d’un personnage.
Suivant les temps, les courants et les modes d’introspection théâtrale j’ai malgré moi donner priorité à « l’état » réel de l’acteur se substituant au personnage, pour passer brutalement au « texte », rien-que-le-texte, qui devait receler en lui-même toutes les émotions à transmettre. J’ai découvert ensuite que, comme au cinéma, seule « la pensée » de l’acteur dans le silence du plateau pouvait servir de guide au personnage et rendre nécessaire son discours. En outre, mes multiples expériences de one man show m’ont persuadé qu’un comédien entrant en scène se devait avant tout de répondre à l’unique question : « Pourquoi suis-je là ? » « Qu’est-ce que je suis venu dire ? » Bref : « Quelle « situation » suis-je en train de vivre ? »

Et bien sûr, c’est avec un état, un texte, une pensée et avant tout une situation que l’on fait du théâtre et le tout émanant de la même chose ; il s’agit, en même temps de jouer et de vivre une situation, les techniques diverses de jeu servant, en même temps, à l’un et à l’autre.
J’ai cherché, avant de proposer un nouveau stage, des textes et un auteur qui permettraient une synthèse de mes préoccupations de metteur en scène et de formateur et reste persuadé que « Paroles » de Prévert est un support idéal pour faire du théâtre de formation. Le discours s’articule encore comme un texte classique et peut permettre de peaufiner sa diction; la pensée de l’auteur est claire, vive et sensible et peut facilement générer des états; enfin, la vie même de Prévert, dans ses multiples expériences pourra inspirer des situations et des objectifs engendrant à l’envi les sinuosités du texte.
Décidément, ne serait-ce que pour aller, une fois encore, à « La pêche à la baleine », j’ai choisi de faire un stage Prévert.
Philippe FERRAN.

 

INTERVENANT
Auteur, scénariste, compositeur, pianiste, technicien de cinéma, Philippe FERRAN est avant tout metteur en scène de théâtre.

Il a réalisé plus de quatre-vingt spectacles dont une majorité de One-man-shows (avec Jacques Villeret, Lagueyrie, Smaïn, Aurélia Decker, Safia Mimoun, Muriel Lemarquand) et des pièces du répertoire classique (Phèdre, Andromaque, Le Misanthrope, Le Tartuffe, Dom Juan, L’Ecole des Femmes, Le Jeu de l’Amour et du Hasard…)

De 2000 à 2013, il a dirigé les Ateliers Pleins Feux et animé plus de soixante stages dont un atelier permanent de direction d’acteurs. Depuis 1996, il dirige chaque année un stage Afdas.

 

PROGRAMME DU STAGE

Le programme s’articulera autour de sept grands axes :

1) La diction et l’apprentissage de la langue, qu’on abordera dès le premier après-midi et tous les autres après-midi de la première semaine.

2) La recherche d’une disposition à rendre un texte nécessaire en s’appuyant sur la pensée de l’acteur en scène. Des exercices seront proposés à cet effet dès le deuxième jour.

3) La maîtrise des contrastes et des ruptures et de la relation avec le public, propres au « seul en scène ». On insistera particulièrement sur cette caractéristique qu’a tout poème à être destiné à un public qui devient à la fois le partenaire et le confident de l’acteur/personnage. Le stage commencera par des exercices de ruptures qui se poursuivront toutes les matinées de la première semaine.

4) Enfin, on s’attaquera directement aux poèmes de « Paroles », dès le troisième jour. Chaque stagiaire aura choisi un poème qu’il aura la charge de défendre, plus un poème imposé particulièrement riche que chacun défendra à travers une mise en scène différente.
On aura soin d’imaginer pour chaque poème une dramaturgie originale tenant compte du tempérament et de l’envie de chaque stagiaire ainsi que de la vie et de l’originalité de l’auteur.
On dégagera et inventera, par des discutions de groupe des situations et des personnages permettant de rendre au mieux la pertinence des textes.

5) Je serai donc en mesure, dès la seconde semaine, de diriger chaque stagiaire dans les poèmes choisis ou imposés. On n’exclura pas de travailler d’autres poèmes de « Paroles », si du temps imparti restait disponible.

6) Chaque phase de formation et de mise en scène sera largement commentée et documentée par le groupe à travers l’expérience personnelle de chacun. J’insiste particulièrement sur ce point, à savoir que la meilleure des formations est souvent d’assister au travail des autres et d’intervenir même, avec l’autorisation règlementée de l’animateur. Il n’est d’ailleurs pas exclu, comme ce fut le cas dans d’autres stages, que certain stagiaire ayant déjà une expérience de metteur en scène, soit en mesure de diriger un camarade dans un texte de son choix (de « Paroles » bien entendu). Un stage est avant tout, me semble-t-il, un passage de témoin.

7) Une restitution du travail, en fin d’après-midi du dernier jour devrait permettre d’évaluer les progrès accomplis.

du 13 au 24 mai 2024
au Théâtre Darius Milhaud
du lundi au vendredi, 10h > 18h (pause déjeuner d’une heure)
stage de 70h

formation finançable par l’Afdas et Pôle Emploi

renseignements dans le programme ci-dessous et à stages@theatrevivant.fr